Les cathares étaient dualistes, ils séparaient l'au-delà du monde terrestre. À l'origine de l'esprit était Dieu, principe spirituel, et dans cette création se rangeait l'esprit, en tant que commandement sur le corps. À l'origine de la matière, mécanismes et dépendances sans buts, se rangeait le diable, mais celui-ci n'était pas un Dieu, comme on a voulu le faire croire, mais le néant, un mécanisme hors de contrôle, sans raison d'être, sans volonté, sans esprit, débouchant sur les terribles contradictions du monde divisé en deux, matériel et spirituel, et capable de nous communiquer la crainte pour ce qui est matériel, bien que cela n'ait pas de valeur.
Cette vision dualiste n'était d'ailleurs pas seulement cathare, elle était également manichéenne, gnostique, voire essénienne. Cette vision séparant deux essences, sinon en conflit, du moins différentes, est peut-être même au-delà de la religion, puisqu'on ne la retrouve pas que dans le christianisme, mais aussi dans la théologie grecque pythagoricienne et socratique, dans l'hindouisme et les religions qui en découlent, dans le zoroastrisme enfin.

À l'église de Rennes-le-Château, c'est le diable qui soutient le bénitier, histoire de dire : «Hé ! Je suis là aussi !» afin que nous n'oublions pas que la matière n'est jamais que ce qui montre du doigt, et non ce qui est montré...

Dans la Bible, les principales sources du dogme selon lequel l'amour du spirituel est incompatible avec l'amour – et même la simple préoccupation – pour le matériel sont les épîtres de Jean – «N'aimez pas ce monde, ni ce qui est dans le monde (...) Ainsi quiconque voudra être ami de ce monde se rend ennemi de Dieu» (I Jean 2.15 et 5.19) –, l'Épître de Jacques – «Qui est ami du Monde est ennemi de Dieu.» (4.4) – et la célèbre formule : «Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu». Jésus dit aussi que «les temples ne sont qu'un escabeau sous les pieds de Dieu» (Matthieu 5.34-35, Hébreux 1.8 ou Isaïe 66.1).
Par ailleurs, les cathares avaient bien raison ne pas vénérer les saints, ni la vierge, ou ni même la croix. Dans l'Exode 20.4, Dieu dit à l'homme «Tu ne feras aucune image sculptée, rien qui ne remplace ce qui est dans les cieux, là haut, ou sur la terre ici-bas», en vain, car non seulement les hommes confondirent Dieu avec du métal, mais ils continuent de le faire. Une statue, la croix, un tableau, une cathédrale : voilà autant d'idoles. Un idole n'a pas seulement la forme d'un veau ! E.B.